L’autre moitié de moi même d’Anne Laure Bondoux

moitié

L’autre moitié de moi même

d’Anne Laure Bondoux

roman autobiographique

Bayard, novembre 2011

9782227483248, 13,90€

 

“Jusqu’ici, j’aimais écrire des romans.
J’aimais inventer des intrigues, explorer des contrées lointaines, donner vie à des personnages perdus qui cherchaient un sens à leur existence. Aujourd’hui, c’est moi qui suis perdue, et c’est moi qui pars en voyage…” Un soir d’octobre 2010, Anne-Laure Bondoux croit avoir renversé un enfant en voiture. Or cet incident étrange survient après la révélation d’un secret de famille, une séparation, l’apparition de quelques fantômes et une longue panne d’écriture.
Soudain, elle qui pensait savoir qui elle était et où elle allait n’a plus aucune certitude. Elle se remet alors à écrire. Non pas un roman pour la jeunesse comme à son habitude, mais son histoire, la seule qu’elle puisse vraiment raconter aujourd’hui. Peut-être n’est-elle pas si différente de la nôtre…

Loin des romans jeunesses auxquels Anne Laure Bondoux nous a habitué, c’est ici dans un récit autobiographique qu’elle nous livre une partie de son histoire, de ce qui fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. Un retour sur l’enfance, l’amour, l’écriture. Une révolte et un apaisement. Le récit d’une femme presque sans histoire et du gouffre dans lequel elle a plongé.

Des mots jetés qui m’ont tout d’abord désarçonnés. Cette manie qu’ont les auteurs d’écrire sur eux me laisse perplexe, ne me plait guère même. Emmanuel Carrère et son D’autres vies que la mienne, que j’ai abandonné est pourtant cité ici en exemple. J’ai tout de suite pensé aussi au touchant Voile Noir d’Annie Dupeyré qui lui a su me toucher il y a déjà quelques années. De nombreuses références sont apportés au fil du récit et c’est plutôt plaisant. Cela m’a d’ailleurs donné envie de découvrir le travail d’une photographe qui porte le même prénom que moi…

C’est donc avec un sentiment très mitigé que j’ai commencé ma lecture. Curieuse pourtant, d’une curiosité presque malsaine, de découvrir un peu de la vie d’une auteure que je suis depuis le destin de Linus Hoppe en 2001…

Au fil des pages j’ai tour à tour été agacée (par les répétions notamment), touchée, surprise, curieuse encore. J’ai aimé surtout croiser des bribes de romans passés ou à venir (ou non d’ailleurs…) et j’espère un jour lire une histoire au coeur d’un champ d’ananas.

Au final un récit autobiographique que j’ai beaucoup aimé lire, mais aurait-ce été le cas si je n’avais pas connu ses ouvrages. L’avis enthousiaste de Lena me fait dire que oui…

Enfin j’ai été passablement agacée par un passage, et je veux finir là dessus. Pas pour le reprocher à l’auteure, juste pour ouvrir le dialogue.

“Est-ce ma part créative qui vit encore dans la bulle dorée de l’enfance ? Peut être… Car si je suis devenue écrivain pour la jeunesse ce n’est pas sans doute pas un hasard. […] Je sais que mon écriture n’a pas atteint sa pleine maturité. Tant mieux ! Il me reste une belle marge de progression !” [p. 138]

Qu’en pensez-vous ? Pour ma part je trouve que cela sonne comme une dévaluation de la littérature jeunesse. Alors je souhaite à Anne Laure Bondoux de continuer à écrire…. et surtout pour la jeunesse!

La réponse d’Anne Laure Bondoux elle même (en commentaire, ajoutée ici pour plus de lisibilité car cela me semble important!) : “Chères lectrices blogueuses, Je viens de lire vos échanges au sujet du passage cité par Hérisson, et je me permets de participer à mon tour, en tant qu’auteur de ces lignes, pour les éclairer autrement. Ce passage est une articulation importante du livre, il me paraît difficile de le sortir du contexte général. Dans ce récit, je tente de mettre en lumière mes zones d’ombres, de montrer ce qui me bloque et me limite sur le plan personnel et comment cela se traduit dans mon expression artistique, en l’occurrence par une panne totale d’écriture. Si certain(e)s ont pu y voir un jugement de valeur sur la littérature jeunesse en général, ce n’est pas mon propos. Je parle de ce qui n’a pas grandi en moi et qui demande à s’épanouir. Je dis que mon écriture n’a pas atteint sa maturité : il s’agit d’une sensation personnelle, d’une aspiration à déployer ce qui ne l’est pas encore, pas d’un reniement de mon travail antérieur. Pour moi, surmonter le blocage suppose de m’affranchir d’un cadre, de lois que je me suis dictée à moi-même. “Quitter l’enfance” ne veut pas dire la dédaigner ou la dénigrer, mais oser lâcher certaines habitudes rassurantes pour affronter ce qui me fait peur. Il s’agit d’explorer l’inconnu, et pour l’instant, j’ignore comment cela se traduira. Vos réactions au quart de tour montrent (et je ne le sais que trop bien!) combien la littérature jeunesse est mal jugée, comme tout ce qui touche à l’enfance en général. J’y suis sensible tout autant que vous.”

 

Merci à Liyah qui m’a prêté ce livre, et pour qui je l’ai fait dédicacer à Montreuil, l’occasion de rencontrer l’auteur… mais aussi Mirontaine et une gentille bibliothécaire, dans la file ;)

+ le site de l’auteure

La vidéo de présentation du livre :

Interview Anne-Laure Bondoux : L’autre moitié de… par Bayard_Editions

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A propos Herisson

Passionnée de littérature jeunesse, dévoreuse de livres, jeune maman !
Lien pour marque-pages : Permaliens.

39 Commentaires

  1. J’ai eu ce livre en mains et je l’ai laissé. Ton billet ne me déclenche pas d’envie plus affirmée (tant mieux pour ma PAL) Tu as raison, elle scie la branche sur laquelle est assise en se dévaluant ainsi et en faisant de la littérature jeunesse une “sous-littérature” (elle donne du grain à moudre à ses détracteurs…)

    • Bon peut être que c’est ma vision qui fait ressortir cela, c’est pour ça que j’ai lié le billet de Lena, pour qui ce livre est un coup de coeur!

  2. Il faudrait lire la citation dans son contexte mais, lu comme ça, ça a le don de m’énerver aussi. Ce serait intéressant que l’auteur s’explique là dessus.

  3. là, je te rejoins : la littérature jeunesse n’est pas un sous-genre, une écriture mineure (non mature)…

    mais le bouquin, thème et le fait qu’il soit autobiographique m’interpelle !

  4. Pas envie de le lire non plus. La révélation des secrets de famille, très peu pour moi. Puis, dévaloriser la littérature jeunesse me gène foncièrement.

  5. Dommage que tu n’ai pas trop apprécié ! Moi j’ai adoré, peut être parce que c’était mon premier livre de cette auteure ?!
    Au fait tu avais réussis à le faire dédicacer ?

  6. C’est marrant, je n’ai pas interprété le passage de cette façon… Je voyais plus qu’elle disait d’une manière générale qu’elle pouvait faire mieux. Remarque je n’ai plus le livre en main maintenant. Mais j’héberge sur mon blog des travaux d’étudiants (des interviews de pros du livre), et j’ai eu : une éditrice qui m’a fait bondir en parlant de spécificité tendance pédago de l’écriture pour la jeunesse, un auteur (Michel Tournier himself pour ne pas le nommer) qui disait que c’était beaucoup plus difficile d’écrire en direction des jeunes parce qu’il fallait aller à l’épure. Il va sans dire que le premier a hérissé les poils de Fantasia, tandis qu’elle léchait la main du second…

    • Oui elle parle de son évolution, de sa façon de quitter l’enfance mais tout de même ce passage me gène… mais bien sûr d’autres ne disent pas que du bien…

  7. ahh le passage que tu cites me donne juste envie de partir en courant

  8. Merci pour lien tout d’abord :)

    En lisant le passage qui t’as gêné, je ne l’ai pas du tout interprété de cette façon… Je n’avais pas relié la littérature jeunesse au fait qu’elle n’écrivait pas encore à pleine maturité. Pour moi, cela signifiait qu’elle écrivait dans jeunesse car il y avait encore cette part d’enfance qui restait en elle. Mais du tout de manière négative…

    J’ai contacté Anne-Laure Bondoux pour lui poser quelques questions, serais-tu d’accord que je lui parle de cette phrase, de ce qu’elle voulait dire ?

    A bientôt !

    • Bonjour Lena, ça serait avec grand plaisir oui, car cela me chiffonne vraiment, surtout venant d’elle!

    • Et je suis d’accord sur ton interprétation, mais elle parle quand même d’évolution vers l’adulte qui semble mieux… je ne sais pas si tu vois la nuance, mais en gros l’avis sur la littérature jeunesse n’est pas négatif, juste inférieur à la littérature adulte.

  9. En général, je n’aime pas non plus les autobiographies. Quant à la citation, si l’auteure dit vraiment que la littérature de jeunesse est un sous genre, je m’oppose fermement à son avis. J’ai lu tellement d’excellents livres de littérature de jeunesse, parfois des bien meilleurs que ceux pour adultes ! Ecrire pour les jeunes demande une vraie compétence.

  10. en effet, ce passage est assez dépréciatif; c’est dommage.
    Puis c’est vrai que des auteurs qui parlent d’eux-même… c’est un peu se regarder le nombril quand même, je trouve ça peu productif au final. Je préfère que quelqu’un d’autre parle d’eux en fait…

  11. Chères lectrices blogueuses,
    Je viens de lire vos échanges au sujet du passage cité par Hérisson, et je me permets de participer à mon tour, en tant qu’auteur de ces lignes, pour les éclairer autrement. Ce passage est une articulation importante du livre, il me paraît difficile de le sortir du contexte général. Dans ce récit, je tente de mettre en lumière mes zones d’ombres, de montrer ce qui me bloque et me limite sur le plan personnel et comment cela se traduit dans mon expression artistique, en l’occurrence par une panne totale d’écriture. Si certain(e)s ont pu y voir un jugement de valeur sur la littérature jeunesse en général, ce n’est pas mon propos. Je parle de ce qui n’a pas grandi en moi et qui demande à s’épanouir. Je dis que mon écriture n’a pas atteint sa maturité : il s’agit d’une sensation personnelle, d’une aspiration à déployer ce qui ne l’est pas encore, pas d’un reniement de mon travail antérieur. Pour moi, surmonter le blocage suppose de m’affranchir d’un cadre, de lois que je me suis dictée à moi-même. “Quitter l’enfance” ne veut pas dire la dédaigner ou la dénigrer, mais oser lâcher certaines habitudes rassurantes pour affronter ce qui me fait peur. Il s’agit d’explorer l’inconnu, et pour l’instant, j’ignore comment cela se traduira. Vos réactions au quart de tour montrent (et je ne le sais que trop bien!) combien la littérature jeunesse est mal jugée, comme tout ce qui touche à l’enfance en général. J’y suis sensible tout autant que vous.

    • Bonsoir, je vous remercie grandement d’être venue répondre ici. Car j’ai lu le livre mais ce passage, que j’avais noté, été resté pour moi connoté négativement. L’impression que vouloir pour vous sortir de cette “panne” revenait à abandonner la littérature jeunesse, pour passer au “cran” au dessus. Et oui je suis très susceptible sur la littérature jeunesse, puisque je suis la seule lectrice apparemment à l’avoir interprété ainsi, visiblement à tort. Afin de mettre en avant votre réponse, je l’ai ajouté à la fin de l’article, cela me semble juste après vous avoir fait ce “méchant tour” puisque je crois que malgré mes réponses en commentaires certains de mes lecteurs sont partis un peu remontés contre vous :) Et comme dit dans l’article, je vous souhaite de continuer à écrire pour la jeunesse et les vieux ;)

      • Je vous remercie, Hérisson! C’est la première fois que je me permets d’intervenir sur un blog, en fait… L’impression que vous avez eue n’est pas absurde, dans le sens où je dis ressentir une limitation. Cette barrière m’est propre, elle est en moi, et surtout, elle ne contient pas de hiérarchie : c’est une nuance importante. Écrire pour les jeunes depuis 10 ans m’a influencée, à la fois dans le fond et la forme, cela n’a rien d’étonnant. Ce serait la même chose si j’écrivais des chansons ou du théâtre : on prend des habitudes, et il peut arriver que l’on éprouve le besoin de (se) chercher ailleurs, autrement. Ce récit autobiographique est un premier pas vers les terres inconnues que je souhaite explorer, une prise de risque aussi, car cette démarche peut gêner les lecteurs qui m’ont suivie jusqu’ici. Je suis bien obligée d’assumer d’en dérouter certains pour rester sincère avec moi-même, sans quoi j’aurais l’impression d’écrire mécaniquement, sur la base de recettes qui n’auraient pas de sens. Si cela vous intéresse, je vous tiendrai au courant de ma quête !

      • Merci à vous… et n’hésitez pas à intervenir sur les blogs… on aime bien ;)
        Je comprends tout à fait votre désir de changement, cela fait partie de la vie tout simplement je crois, et puis quand on apprécie un auteur comme j’apprécie vos livres, on le suit jusqu’en adulte s’il faut! :)
        Je serai ravie de suivre votre quête, en espérant que ce livre et les discussions qui vont avec vous permettent de vous remettre à l’écriture de fiction!

  12. C’est sympa cette visite de l’auteur et cette petite mise au point sans animosité.

  13. En tous cas bravo, c’est chouette une auteure qui vient sur les blogs :)

  14. Un grand merci à Anne-Laure Bondoux pour cet éclaircissement qui me rassure !

  15. Ayant adoré “Les larmes de l’assassin”,”Pépite” et “Le temps des , j’ai commandé le dernier livre d’Anne-Laure Bondoux. Je reviendrai voir ton avis après lecture…

  16. Une phrase assez curieuse effectivement… La littérature jeunesse n’est pas une sous littérature!

  17. j’ai aimé le livre, sans relever la phrase en question. je crois que comme tu le dis si bien c’est une question de sensibilité à un instant T. Je reçois Anne-Laure Bondoux la semaine prochaine au collège, les récations de lecteurs étaient prévues au programme des questions, je vais y ajouter celles des blogueurs!!! Continuons à nous enflammer pour la jeunesse, puisque les auteurs intelligents savent se lancer dans le dialogue!!

  18. Je suis en train de le lire et je suis complètement bouleversée! Ce livre se rapproche des nombreuses incertitudes humaines qui nous touchent, des peurs qui nous empêchent d’avancer. L’enfant en nous reste présent ainsi que ses failles, et à un moment, la faille s’élargit. Et les peurs surgissent. ce livre fait écho, je trouve.

    Pour ce qui est de LA phrase, je n’y ai vu aucune dévaluation. Je suis une lionne qui bondit dès que des types comme François Busnel et consorts dévalue la litt. jeunesse. Mais ici, non! Une écriture c’est comme un être humain, elle évolue toujours, la maturité se fait de façon progressive et le style évolue. C’est là qu’on voit les grands auteurs je trouve: ceux dont la plume évolue, dont l’univers évolue aussi. C’est en fait une prise de conscience d’elle-même, mais aussi de son écriture, et ça c’est énorme je trouve! Avoir conscience de l’écrit et de le voir comme un enfant qui balbutie! Le processus de création et d’écriture c’est un enfant qui grandit. C’est comme ça que j’ai lu cette phrase.
    C’est chouette qu’Anne-Laure Bondoux soit là :-)

    • Je pense que c’est aussi ce qu’à voulu écrire Mme Bondoux. Je pense que chacun voit ce livre en fonction de ses propres expériences, et tu as raison il fait souvent écho!

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