La petite fille de Monsieur Linh

La petite fille de Monsieur Linh

de Philippe Claudel

Livre de Poche 2007

 

Comme il est dur de parler d’un livre comme celui ci, aussi condensé, aussi poétique, aussi tragique…

L’histoire (attention spoiler!)
Un bateau, un vieil homme, et la terre qui s’éloigne, la patrie en guerre que l’on quite, l’exil qu’on espère temporaire. Un exil forcé, renforcé par le deuil. Perte de tout ce qui rattaché encore le vieil homme à son pays, à sa terre… Tout sauf ELLE… ce bébé qu’il tient dans les bras, sa petite fille, orpheline. C’est pour elle qu’il quitte son pays, pour elle qu’il va vers ce pays froid, inconnu, sans odeur, sans saveur… Un pays dont il ne connait rien, même pas la langue, un pays où il ne connait personne…
Les jours passent, le vieil homme attend, enfermé… Et puis il sort enfin, pour ELLE, pour qu’elle s’aère… Il découvre un monde où tout va trop vite, où personne ne prend la peine de le regarder, où il n’existe pas…
Pourtant un jour, sur un banc, un homme lui parle, lui raconte sa vie, dans cette langue qu’il ne comprend pas… C’est le début d’une amitié timide, discrète, et pourtant si parfaite, puisqu’elle n’a pas besoin des mots…
Je ne peux pas vous raconter la suite, et surtout pas la fin, eus égard à ceux qui ne l’ont pas encore lu (et qui ne vont pas tarder de le faire!)

Extraits  (pas autant que je le voudrais, mais j’ai eu le malheur de parler du livre en salle des profs… et il est déjà reservé jusqu’à la
fin de l’année!)

“Enfin, un jour de novembre, le bateau parvient à sa destination, mais le vieil homme ne veut pas en descendre. Quitter le bateau, c’est quitter vraiment ce qui le rattache encore à sa terre. Deux femmes alors le mènent avec des gestes doux vers le quai, comme s’il était malade. Il fait très froid. Le ciel est couvert. Monsieur Linh respire l’odeur du pays nouveau. Il ne sent rien. Il n’y a aucune odeur. C’est un pays sans odeur. Il serre l’enfant plus encore contre lui, chante la chanson à son oreille. En vérité, c’est aussi pour lui-même qu’il la chante, pour entendre sa propre voix et la musique de sa langue. “

“La tête de Monsieur Linh est grosse de trop de fatigues, de souffrances, de désillusions. Elle est lourde de trop de défaites et de trop de départs. Qu’est-ce donc que la vie humaine sinon un collier de blessures que l’on passe autour de son cou? A quoi sert d’aller ainsi dans les jours, les mois, les années, toujours plus faible, toujours meurtri? Pourquoi faut-il que les lendemains soient toujours plus amers que les jours passés qui le sont déjà trop?”

Mon avis :
Il est bien dur de vous cacher à quel point j’ai aimé ce livre… c’est un véritable coup de coeur. Ce roman très court m’a à la fois surprise, ravie, choquée, bouleversée… En seulement quelques pages j’ai découvert la plume de Claudel, que je me promets de lire depuis longtemps mais qui reste indubitablement au fond de ma PAL [il faut que je vous explique aussi, la littérature adulte passe toujours au deuxième plan, après la littérature jeunesse, plus rapide à lire, et dont j’ai “besoin” pour mon travail… fin de la parenthère, sinon on ne viendra jamais au bout de cet article!] Et voilà j’aime tout, l’écriture, les personnages et leur caractère, l’histoire et son dénouement, le contexte spatio temporel assez flou pour ne pas tomber dans le roman historicosocial…

Il est court, mais emplie de poésie, de tendresse,  qui contraste avec la violence du monde extérieur (réel et fictif d’ailleurs!)

Et puis il y a cette fin, poignante, dont on a des milliers d’indices, mais que je n’avais pas imaginé une seconde… Une fin tragique mais magique…