Kinderzimmer – roman

KinderzimmerKinderzimmer

Valentine Goby

Babel

Actes Sud (2013)

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Lecture commune avec Blandine

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Suzanne Langlois est dans une classe de terminale. Elle est venue raconter sa déportation, le quotidien du camp, la kinderzimmer.

Kinderzimmer, pour ceux qui n’ont jamais fait d’allemand, c’est la garderie, la chambre des enfants. Mais une question inattendue l’arrête dans son récit bien rodé. Une question simple, qui la perturbe pourtant parce qu’elle lui fait perdre le fil de son histoire. Et parce qu’elle doit réfléchir, se replonger dans ses souvenirs douloureux. Elle ne raconte plus, elle revit.

Elles sont quatre cents femmes moins les mortes en arrivant au camp. Mila le sait parce qu’on les a comptées avant de les envoyer en Allemagne. Elle est épuisée, mais les flashs, les aboiements des chiens, les cris des femmes l’empêchent de tomber. Mila est enceinte et a des nausées sans arrêt. Elle se demande si l’enfant est une chance ou non.

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Étrangement, en lisant ce roman, je n’ai pas pleuré. Ce n’est pas “tire-larmes” ni même émouvant. Non. C’est juste glaçant. Ce quotidien dans lequel nous sommes plongés, dans les Blocks du camp de concentration pour femmes de Ravensbrück, est tellement insoutenable, monstrueux, inimaginable.

Les phrases sont brutes, directes parfois hachées. Rien ne nous est épargné à nous pauvres lecteurs bien à l’abri dans nos maisons, le ventre plein. Comment se mettre à la place de ces femmes ? La faim, le froid, la crasse, la puanteur, les poux. Les maladies, la violence des soldats. Tenir. Il faut tenir. Le moindre moment de bonheur, une chanson, un souvenir permettent de tenir encore un peu. Alors un nouveau-né, promesse d’un avenir, rassemble les femmes.

Un récit à lire
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Extrait p. 25 : (Ce sont des prisonnières françaises qui parlent aux nouvelles venues)

Elles disent qu’il ne faut pas être malade, les malades sont les premières victimes des sélections, qui conduisent à des transports noirs vers d’autres camps, dont ne reviennent que des robes numérotées. Aussi, éviter le [revire], l’infirmerie, qui est un mouroir et vous désigne illico comme charge, plutôt que comme Stück exploitable chez Siemens ou au [betribe], l’atelier de couture. Au Revier on ne soigne pas. On est parfois empoisonné. On côtoie le typhus, la scarlatine, la coqueluche, la pneumonie. Éviter le Revier le plus longtemps possible. Mila entend. Le Revier, c’est la mort. La grossesse, à terme, c’est le Revier donc c’est la mort.

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Sur ce blog des médiathèques d’Antony, vous pourrez voir 2 vidéos : l’une de Valentine Goby, l’autre de Marie-José Chombart de Lauwe (la puéricultrice de la kinderzimmer)

Ce roman a obtenu de nombreux prix voir sur la page de l’éditeur

Sophie vous l’avait déjà présenté ici

De cette autrice, j’ai déjà lu et beaucoup aimé “Un paquebot dans les arbres“.

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Ce roman participe au challenge “LE TOUR DU MONDE EN 80 Jours LIVRES” (France)

proposé par Bidib

monde

Un paquebot dans les arbres

paquebotUn paquebot dans les arbres

Valentine Goby

Babel

Actes Sud (2016)

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Odile et Paulot tiennent un café à la Roche Guyon. Ils ont deux filles, Annie et Mathilde, et un garçon, Jacques. Entre Annie et Mathilde, ils ont perdu un fils, Pierre, alors âgé de 2 mois. Du coup, ils ont mis du temps pour se décider avant d’avoir Mathilde, puis Jacques.
D’Annie, on entendra peu de choses, on l’apercevra de loin en loin, elle vit sa vie, loin du reste de la famille, loin de la maladie et du malheur.
Mathilde est le « garçon manqué » de la famille. Elle court, saute, nage, escalade et n’a peur de rien. A 9 ans, elle se cache sous les tables du bistrot familial pour écouter son père jouer de l’harmonica. Son père, pour qui elle a une admiration sans bornes et un amour immense. Son père, pour qui elle est prête à tout. Cette histoire, c’est d’abord l’histoire de Mathilde. Son courage devant les problèmes qui s’accumulent, sa volonté de garder sa famille soudée, son obstination…

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Au début, j’ai eu du mal à accrocher à cause des nombreuses descriptions et juxtapositions. Mais très vite, j’ai oublié le style tellement le personnage est vivant, prenant, intéressant, « vrai ». Mathilde qui veut tout gérer, tout arranger, recoller tous les morceaux de sa vie que la maladie a éparpillé…

La sécurité sociale. Une chose banale de nos jours surtout quand on est salarié. Une chose normale, un droit, les soins gratuits ou presque. Et pourtant. Telle que nous la connaissons, elle n’existe que depuis 1945. Combien de gens, n’ayant pas cette fameuse sécu ne pouvaient se soigner ? Combien de gens aujourd’hui encore, n’ont pas accès aux soins ?

Un roman qui m’a beaucoup plu, beaucoup touché et un personnage que je ne suis pas près d’oublier.

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Un extrait : « Elle a garé sa voiture en lisière du bois. Elle a marché sous la pluie vers la façade griffée de branches, ne s’attendant à rien, je veux dire : à aucune image familière, à nulles retrouvailles.
C’est un saccage. Murs aux peintures dégradées du jaune pisse au noir. Béances noires des fenêtres et des portes. Parois défoncées criblées d’impacts. Couloirs jonchés de gravats, de cailloux, d’éclats de verre. Portes arrachées gonflées d’eau, tuyaux tordus, poutres affaissées. Mathilde Blanc parcourt la longueur du bâtiment, deux cent pas somnambules, elle les compte pour marcher droit, entre les canettes et les bouteilles aux tintements de mâts. (…) A un moment elle aperçoit l’escalier enroulé dans la tour. Elle avance, se place sous la spirale sans fin des rampes. Alors surgit de l’enfance la résille de verre qui habillait la tour, son éclat blanc à te fermer les yeux. C’est le premier mirage. Ils naissent un à un de fragments épars qui ouvrent le champ de la mémoire : un carrelage en damier – son père, sa mère, l’Amicale des malades vendent sur une table des bibelots faits main pour nourrir leurs gosses ; »

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Un article intéressant sur le paquebot, c’est à dire le sanatorium d’aincourt (avec photos)

De Valentine Goby, présenté sur ce blog : Kinderzimmer