LA TERRE, LE CIEL, LES CORBEAUX – BD

corbeauxBD Ado/ Adulte

LA TERRE, LE CIEL, LES CORBEAUX

Teresa Radice § Stefano Turconi

Traduction de Frédéric Brémaud
Coll. Treizeétrange

Glénat (2022)

*****

La terre, le ciel, les corbeaux est une drôle d’aventure. Qui commence un peu comme une histoire drôle :  – “C’est l’histoire d’un italien, d’un russe et d’un allemand. Ils ne se connaissent pas, ne s’aiment pas et ne se comprennent pas. En fait, l’allemand parle un peu italien, l’italien un peu de russe et les trois se comprennent mieux qu’ils ne veulent l’avouer…” Mais en fait, ça n’a rien d’une blague. Parce que ça se passe en Russie, en 1943. L’allemand vient de s’échapper d’une base militaire russe et l’italien a profité de l’occasion pour se faire la belle aussi. Tout en prenant un des gardes russes en otage. Les trois hommes ne s’aiment guère, mais ils sont dans la même galère. S’ils veulent s’en sortir, échapper aux soldats russes, à la faim et au froid, ils vont devoir s’entraider.

*****

Le premier mot qui me vient à l’esprit pour parler de cette BD, c’est “poétique“. Oui, ça peut paraître étrange pour une histoire qu parle de 3 soldats fuyant dans la neige en pleine seconde guerre mondiale, mais c’est une histoire pleine de vie (avec pas mal de morts aussi…) et de poésie.

Un petit détail : Pendant quelques pages au début, les paroles du russe et de l’allemand ne sont pas traduites. Avec le contexte on comprend ce qui se passe. Et, du coup, on comprend bien les difficultés de communication des trois soldats !

C’est un énorme coup de cœur ! ♥

J’ai adoré les illustrations, les couleurs et ces personnages de plus en plus complexes au fur et à mesure qu’on fait leur connaissance.

*****

Les premières pages sont visibles ici (site de l’éditeur)

Des mêmes auteurs : Le port des marins perdus ♥, Violette autour du monde (BD jeunesse pleine de pep’s !) et Amour minuscule

Une bande dessinée qui participe à la BD de la semaine chez Moka

Kinderzimmer – roman

KinderzimmerKinderzimmer

Valentine Goby

Babel

Actes Sud (2013)

*****

Lecture commune avec Blandine

*****

Suzanne Langlois est dans une classe de terminale. Elle est venue raconter sa déportation, le quotidien du camp, la kinderzimmer.

Kinderzimmer, pour ceux qui n’ont jamais fait d’allemand, c’est la garderie, la chambre des enfants. Mais une question inattendue l’arrête dans son récit bien rodé. Une question simple, qui la perturbe pourtant parce qu’elle lui fait perdre le fil de son histoire. Et parce qu’elle doit réfléchir, se replonger dans ses souvenirs douloureux. Elle ne raconte plus, elle revit.

Elles sont quatre cents femmes moins les mortes en arrivant au camp. Mila le sait parce qu’on les a comptées avant de les envoyer en Allemagne. Elle est épuisée, mais les flashs, les aboiements des chiens, les cris des femmes l’empêchent de tomber. Mila est enceinte et a des nausées sans arrêt. Elle se demande si l’enfant est une chance ou non.

*****

Étrangement, en lisant ce roman, je n’ai pas pleuré. Ce n’est pas “tire-larmes” ni même émouvant. Non. C’est juste glaçant. Ce quotidien dans lequel nous sommes plongés, dans les Blocks du camp de concentration pour femmes de Ravensbrück, est tellement insoutenable, monstrueux, inimaginable.

Les phrases sont brutes, directes parfois hachées. Rien ne nous est épargné à nous pauvres lecteurs bien à l’abri dans nos maisons, le ventre plein. Comment se mettre à la place de ces femmes ? La faim, le froid, la crasse, la puanteur, les poux. Les maladies, la violence des soldats. Tenir. Il faut tenir. Le moindre moment de bonheur, une chanson, un souvenir permettent de tenir encore un peu. Alors un nouveau-né, promesse d’un avenir, rassemble les femmes.

Un récit à lire
*****

Extrait p. 25 : (Ce sont des prisonnières françaises qui parlent aux nouvelles venues)

Elles disent qu’il ne faut pas être malade, les malades sont les premières victimes des sélections, qui conduisent à des transports noirs vers d’autres camps, dont ne reviennent que des robes numérotées. Aussi, éviter le [revire], l’infirmerie, qui est un mouroir et vous désigne illico comme charge, plutôt que comme Stück exploitable chez Siemens ou au [betribe], l’atelier de couture. Au Revier on ne soigne pas. On est parfois empoisonné. On côtoie le typhus, la scarlatine, la coqueluche, la pneumonie. Éviter le Revier le plus longtemps possible. Mila entend. Le Revier, c’est la mort. La grossesse, à terme, c’est le Revier donc c’est la mort.

*****

Sur ce blog des médiathèques d’Antony, vous pourrez voir 2 vidéos : l’une de Valentine Goby, l’autre de Marie-José Chombart de Lauwe (la puéricultrice de la kinderzimmer)

Ce roman a obtenu de nombreux prix voir sur la page de l’éditeur

Sophie vous l’avait déjà présenté ici

De cette autrice, j’ai déjà lu et beaucoup aimé “Un paquebot dans les arbres“.

*****

Ce roman participe au challenge “LE TOUR DU MONDE EN 80 Jours LIVRES” (France)

proposé par Bidib

monde

IDISS – D’après le livre de Badinter

IdissAdaptation de roman
BD Ado/Adulte

IDISS

Richard Malka & Fred Bernard

D’après le livre de Robert Badinder

Rue de Sèvres (2021)

*****

1890 en Bessarabie (aujourd’hui la Moldavie). Idiss vit avec ses beaux parents et ses deux enfants. Son mari est au front, il se bat pour le Tsar. Il ne reviendra que 5 ans plus tard.

Pour différentes raisons, Idiss et son mari Schulim doivent quitter leur village, leur shtetel. Ils se réfugient à Paris où ils retrouvent leurs deux fils aînés, installés comme tailleurs dans le Marais. Idiss est heureuse, sa famille est réunie.

*****

A partir du livre écrit par Robert Badinter pour rendre hommage à sa grand-mère, Idiss, Richard Malka et Fred Bernard ont réalisé une BD très agréable à lire, malgré des moments difficiles. En effet, l’histoire commence en 1890, pour se terminer en 1943. Un exode, deux guerres, la maladie, la vie d’Idiss et de sa famille n’aura pas été de tout repos !

Un joli portrait d’Idiss clôt la partie BD. Une petite partie “documentaire” présente “Le droit antisémite et xénophobe pendant la seconde guerre mondiale” ainsi que les mesures allemandes à l’encontre des Juifs. Puis Fred Bernard nous raconte en quelques pages comment il a imaginé les personnages et les situations.

Le dessin, assez “enfantin”, rond et coloré, est très doux.

Une BD qui m’a beaucoup plu et que je vous recommande !

Les avis de : Mylène, Natiora, Stephie, Mamabookine

*****

Robert Badinter, né le 30 mars 1928 à Paris, est un homme politique, juriste et essayiste français. Professeur de droit privé et avocat au barreau de Paris, il se fait connaître pour son combat contre la peine de mort dont il défend l’abolition devant le Parlement en 1981. Wikipédia

Richard Malka, né le 6 juin 1968 à Paris, est un avocat français, connu notamment pour être l’avocat de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. Il est aussi scénariste de bandes dessinées et romancier. Wikipédia

De Fred Bernard, auteur de BD et illustrateur, nous vous avons déjà présenté : Anouketh, Le pompier de Lilliputia, Anya et Tigre blanc, Ushi, L’histoire vraie de Siam l’éléphant, L’histoire vraie de Yen-Yen le panda géant, Le petit inconnu au ballon et dernièrement le magnifique King Kong ou encore Le secret de Zara

La BD de la semaine est en pause pour la période estivale

Une bd qui participe aussi au challenge sur la première guerre mondiale

De 14-18 à nous chez Blandine

Les lecteurs sont arrivés en cherchant :

LE TIRAILLEUR – Histoire vraie

tirailleurL’histoire vraie d’un berger devenu soldat
BD Historique

LE TIRAILLEUR

Alain Bujak & Piero Macola (ill.)

Futuropolis (2014)

*****

Auteur : «En 2008 et 2009, à Dreux, j’ai photographié la vie quotidienne d’une résidence sociale Adoma, ex-Sonacotra. J’y ai rencontré Abdesslem, un ancien tirailleur marocain. Il avait alors plus de quatre-vingts ans.
Ce reportage terminé, j’ai voulu le revoir. Finalement, nous avons passé des heures ensemble, souvent le matin, autour d’un café clair et très sucré. Je lui demandais de me raconter sa vie. Pêle-mêle, c’est la dernière guerre, la campagne d’Italie, l’Indochine, l’injustice d’une vieillesse miséreuse.
Il cherchait dans sa mémoire. Parfois tout venait d’un coup, avec une étonnante précision. Parfois, aussi, il y avait des blancs…
Je ne pouvais pas imaginer que l’histoire d’Abdesslem tombe dans l’oubli.»

*****

Cette histoire décrit avec beaucoup d’humanité le sort des hommes dans les anciennes colonies françaises en temps de guerre. Enrôlés de force, emmenés dans des endroits totalement inconnus pour se faire tirer dessus. Abdesslem était un jeune berger de 15/16 ans. Pour avoir voulu voir de plus près un camion, il est embarqué par l’armée française et se retrouve soldat.

A ceux qui pensent que certains profitent du système français, je dis : lisez cette bd.

La France a bien profité de ses colonies ! Ce vieil homme n’aurait-il pas pu toucher sa pension chez lui ? Finir ses jours aux côtés des siens ? Quand on pense qu’il a risqué sa vie pour la France, je trouve qu’on l’a bien mal récompensé…

Les illustrations, très douces (au crayon de couleur ?) atténuent beaucoup la dureté de cette vie commencée par 15 ans de guerre (2nd guerre mondiale puis Indochine). A la fin, quelques pages raconte le voyage que l’auteur a fait pour retrouver Abdesslem dans ses montagnes marocaines avec des photos en noir et blanc.

Une très belle BD !

*****

Le site du scénariste

Celui de l’illustrateur

D’autres BD qui parlent de la 2nde guerre mondiale :

LA BD de la semaine est en pause