La grammaire est une chanson douce

Roman pour adolescents

La grammaire est une chanson douce

d’Erik Orsenna (de l’Académie Française)

Ed Stock, 2001

“Tout le monde dit et répète “Je t’aime”. il faut faire attention aux mots. Ne pas les répéter à tout bout de champ. Ni les employer à tort et à travers, les uns pour les autres, en racontant des mensonges. Autrement les mots s’usent. Et parfois, il est trop tard pour les sauver.”

Ce livre est un grand classique des professeurs de français, tout le monde le connait parait il… Mais il faut bien avouer mon ignorance, je viens juste de le découvrir, à croire que j’étais toujours passé à travers les goutes. Bref comme dirais Neph, “Bon, vas-y, dis-nous plutôt de quoi ça parle !”

C’est donc l’histoire de Jeanne et de son grand frère Thomas. Enfin non c’est l’histoire des mots… Disons pour faire simple que c’est l’histoire de Jeanne et Thomas aux pays des mots! Chaque été ils traversent l’Atlantique en bateau pour les vacances d’été… Cependant une tempête les surprends et ils s’échouent sur une île… mais ils sont devenus muets… Des mots voguent dans l’océan…

J’arrête là le résumé de l’histoire, de toute façon tout le monde le connait ce livre (comment ça je me répéte… faut voir aussi qu’on me l’a bien répété…) Toujours est-il que les enfants, pour réapprendre à parler vont devoir apprivoiser les mots, jouer avec eux. jeanne passera des journées entières dans l’usine des mots, à marier verbes, auxilliaires, interjections, sujet, complément, conjonction… Ils vont même rencontrer St Exupéry!

Une très belle histoire fantastique, qui rappelle à la fois la force et le pouvoir des mots, mais aussi leur sensibilité propre. Un bon moyen de revoir les bases des fonctions grammaticales et les temps, sans s’en apercevoir!

J’ai beaucoup aimé ce petit moment de complicité avec les mots
. L’écriture reste légère, malgré des phrases peu habituelles en littérature jeunesse… (la narratrice est une petite fille de 10-11 ans)

“Un insecte avait dû pendant la nuit, s’introduire dans mon oreille et maintenant l’effronté, il me gratouillait le tympan. Il me fallait sévir”

… à relire mon exemple je ne le trouve pas si exceptionnel… c’est un ensemble je crois!

Un autre extrait pour le plaisir :
Les mots dormaient.
Ils s’étaient posés sur les branches des arbres et ne bougeaient plus. Nous marchions doucement sur le sable pour ne pas les réveiller. Bêtement, je tendais l’oreille : j’aurais tant voulu surprendre leurs rêves. J’aimerais tellement savoir ce qui se passe dans la tête des mots. Bien sûr, je n’entendais rien. Rien que le grondement sourd du ressac, là-bas, derrière la colline. Et
un vent léger. Peut-être seulement le souffle de la planète Terre avançant dans la nuit. Nous approchions d’un bâtiment qu’éclairait mal une croix rouge tremblotante.
-Voici l’hôpital, murmura Monsieur Henri.
Je frissonnai.
L’hôpital ? Un hôpital pour les mots ? Je n’arrivais pas à y croire. La honte m’envahit.
Quelque chose me disait que, leurs souffrances nous en étions, nous les humains, responsables. Vous savez, comme ces Indiens d’Amérique morts de maladies apportées par les conquérants européens.
Il n’y a pas d’accueil ni d’infirmiers dans un hôpital de mots ; Les couloirs étaient vides. Seule nous guidaient les lueurs bleues des veilleuses. Malgré nos précautions, nos semelles couinaient sur le sol.
Comme en réponse, un bruit très faible se fit entendre. Par deux fois. Un gémissement très doux. Il passait sous l’une des portes, telle une lettre qu’on glisse discrètement, pour ne pas déranger.
Monsieur Henri me jeta un bref regard et décida d’entrer.
Elle était là, immobile sur son lit, la petite phrase bien connue, trop connue :
Je
t’

aime

Trois mots maigres et pâles, si pâles. Les sept lettres ressortaient à peine sur
la blancheur des draps. Trois mots reliés chacun par un tuyau de plastique à un bocal plein de liquide.
Il me sembla qu’elle nous souriait, la petite phrase.
Il me sembla qu’elle nous parlait :
-Je suis un peu fatiguée. Il paraît que j’ai trop travaillé. Il faut que je me repose.
-Allons, allons, Je t’aime, lui répondit Monsieur Henri, je te connais. Depuis le temps que tu existes. Tu es solide. Quelques jours de repos et tu seras sur pied.
Il la berça longtemps de tous ces mensonges qu’on raconte aux malades. Sur le front de Je t’aime, il posa un gant de toilette humecté d’eau fraîche.
-C’est un peu dur la nuit. Le jour, les autres mots viennent me tenir compagnie.
« Un peu fatiguée », « un peu dur », Je t’aime ne se plaignait qu’à moitié, elle ajoutait des « un peu » à toutes ses phrases.
-Ne parle plus. Repose-toi, tu nous as tant donné, reprends des forces, nous avons trop besoin de toi.
Et il chantonna à son oreille le plus câlin de ses refrains.
La petite biche est aux abois
Dans le bois se cache le loup

Ouh ouh ouh ouh

Mais le brave chevalier passa

Il prit la biche dans ses bras

La la la la

-Viens Jeanne, maintenant. Elle dort. Nous reviendrons demain.”

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