Ce que j’ai oublié de te dire – Joyce Carol Oates

Roman pour grands adolescents

Ce que j’ai oublié de te dire

Joyce Carol Oates

Albin Michel, 2014
Wiz, 341 pages
9782226252586, 15€

Joyce Carol Oates est une auteur que je ne suis qu’en littérature jeunesse, et chaque fois je me demande si le fait que les personnages soient des adolescents en fait vraiment un roman jeunesse. Ce que j’ai oublié de te dire ne fait pas exception.

Merissa, Nadia, Tink, trois jeunes filles qui rythment ce roman. Merissa et Nadia racontent, chacune leur tour, le lycée, la vie, mais surtout la mort. Celle de Tink, celle qui les comprenait si bien et qui s’est suicidée six mois plus tôt. Tink était une fille étrange qui a changé leur vie. Mais sans elle Merissa ne sait plus vraiment qui elle est, ni si ce qu’elle a toujours voulu l’intéresse toujours. Elle veut exister et la seule solution qu’elle trouve est dans la douleur. Nadia, quant à elle se sent seule et rejetée et c’est dans l’amour pour un de ses professeurs qu’elle se sent vivante.

Dans ce roman à la première personne, avec trois parties et trois narrateurs, la vie est la quête essentielle. Vivre, savoir vivre, réussir à vivre encore, se sentir vivante… Nos personnages ne sont pas des écorchées vives, pas vraiment. Si la vie ne leur fait pas que des cadeaux, sans le suicide de Tink elles auraient continué leur vie sans grand remous.

Tink, personnage central de ce roman, elle et ses secrets, ses non-dits. Elle, fantômatique pour répondre aux interrogations de ses amies encore vivante, souvenir tenace. Elle, qui a su les changer, leur faire voir la vie autrement, pour repartir presque aussi vite. Un personnage que l’on a du mal à saisir pendant tout le roman.

Merissa et Nadia sont deux jeunes filles détestables et attachantes. Ces jeunes filles à qui tout réussi mais qui recherche à exister sont extrêmement fragile, même si leur entourage ne le remarque pas. C’est en nous immissant dans leur pensées les plus intimes que l’on comprend et partage leur douleur.

Ce roman aborde des thèmes variés mais difficiles. Le divorce, l’indifférence parentale, la solitude, l’amour d’un professeur, la maladie, mais encore anorexie, scarification, suicide. Rien n’est épargné à nos adolescentes et pourtant, malheureusement, tout semble si vrai. L’écriture de Joyce Carol Oates nous mène dans ces tréfonds de l’être humain avec brio, toujours à la première personne et sans jamais porter de jugement. Pas vraiment de solution non plus.

Si ce roman est absolument superbe il n’en demeure pas moins un récit extrêmement difficile. S’il peut être salvateur pour certains adolescents en péril, il pourrait aussi en faire couler d’autres tant les personnages semblent plus heureux dans la solution qu’ils trouvent à leur malheur.

Enfin un détail m’a légèrement dérangé, celui du poids des adolescentes en question. Pour une taille d’1m65, un poids de 45 kg semble normal, un poids de 55 kg vraiment énorme. On voit même son ventre ! Bien sûr cela permet de mieux visualiser les difficultés de représentation d’elles-même et des autres qu’ont ces jeunes filles, pour un regard adulte, mais je pense qu’il faut être très prudent avec ce genre de sujet sur nos adolescentes… Un roman à conseiller aux plus grands adolescents, et surtout pas comme “livre médicament”.

+ Challenge YA#3

+ + Challenge Rentrée littéraire d’hiver de Valérie

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RDL ~ BD 2013

Comme pour les romans et albums, voici un article pour rattraper un peu mon retard de chroniques de bandes dessinées et mangas.

La Quête d’Ewilan

1 d’un monde à l’autre

de Lylian et Laurence Baldetti
d’après l’histoire de Pierre Bottero

Je ne suis généralement pas fan des adaptations en bande dessinée, souvent très loin de mon imaginaire. Et puis dans le roman La Quête d’Ewilan les quelques illustrations de Thouard avaient déjà donné le ton. Pourtant j’aime tellement ce roman que je n’ai pas pu m’empêcher de dévorer cette bande dessinée. Et j’ai finalement bien fait car l’ensemble est à la fois fidèle et agréable!

On suit de façon très littérale le premier tome de la Quête d’Ewilan, et tous les événements et personnages importants sont là, sous nos yeux. Les auteurs ont réussi de la pari de s’approprier cet imaginaire tout en restant totalement dans l’esprit du roman. Bien sûr les descriptions de Bottero manquent un peu, bien sûr la poésie est moins présente, mais ce premier tome est une réussite qui permet de replonger dans l’univers d’Ewilan!

Glénat, 2013

Fanfulla 

de Mino Milani

et Hugo Pratt

Fanfulla da Lodi est un personnage qui prend place en 1527, pendant la 7ème guerre d’Italie. Il s’engage ensuite dans les ordres, avant de reprendre de nouveau les armes. Une histoire qui prend place dans l’histoire italienne, en suivant sont cours.

Hugo Pratt et Mino Milani colaborent pour raconter cette histoire dans une publication par épisode, dans un journal italien. Cette nouvelle édition de Rue de Sèvres, avec une mise en couleur, permet de mieux appréhender cette histoire.

Si le personnage de Fanfulla est plutôt attachant, j’ai toujours beaucoup de mal avec les albums d’Hugo Pratt et celui ci n’a pas fait exception. Si l’ensemble est très rythmé, avec de l’action et une réflexion sur la société les illustrations sont souvent brouillons, les personnages difficiles à reconnaitre. Voilà qui ne correspond pas du tout à mon peu de mémoire visuelle.

Un album intéressant mais qui n’a pas su m’enchanter.

Rue de Sèvres, 2013

+ L’avis de Mo 

 

Pietrolino : l’intégrale

de Jodorowsky

et Boiscommun

Pietrolino, mime, lutte silencieusement contre l’occupation de la France. Cet album hommage de Jodorowsky au mime Marceau est touchant. Les illustrations subliment cette histoire qui nous fait découvrir l’histoire d’un homme ravagé, un homme amoureux. Il est très difficile d’en parler tant cet album double regorge de petites merveilles d’illustrations qu’il faut voir. Les visages des personnages notamment rendent parfaitement les expressions.

Un hommage magnifique, touchant et en même temps la découverte d’un homme et d’une époque. A découvrir!

Les Humanoïdes Associés, 2007
2011 pour l’intégrale

Rouge Tagada

de Charlotte Bousquet

et Stéphanie Rubini

Une jolie couverture rouge, une tranche rouge, des pages roses entre les chapitres, le ton est donné, celui de l’amour. L’intrigue se place dans une classe de 4ème. Notre narratrice nous raconte sa vie quotidienne, sa vie d’élève mais surtout son amitié avec Layla et leur passion pour le théâtre.

Layla et moi on était différentes […] ça se voyait sur notre visage qu’on était dans une bulle, une bulle qui sentait  le caramel et le pain d’épice, les fous rires et les déguisements, les rêves éveillés, les histoires de princesses et d’exploratrices, de grande photographe et de comédienne la plus célèbre du monde.

Alex et Layla. Layla et Alex. Deux inséparables mais pourtant avec l’adolescence l’amour pointe son nez, sous la forme d’un garçon au nom de caleçon. Le petit ami de Layla, le cauchemar d’Alex. Un garçon qui les sépare, pourtant les sentiments restent intacts.

Un magnifique album tant pour ses illustrations très expressives que pour son histoire, touchante et qui permet d’aborder, délicatement, l’homosexualité. A découvrir et faire découvrir!

Gulf Stream éditeur, 2013

Ils en ont parlé aussi  #LetterBee #Liyah #jerome #Thalie #Mlle Mathilde

 

 Bonne résolution 2014 !

Pour éviter que cela ne se reproduise en 2014, je vais essayer de me motiver à faire chaque dernier jour du mois une ronde des livres avec les livres dont je n’aurais pas eu le temps de vous parler et qui risque de passer à la trappe sans cela. Joignez-vous à moi, il est bien connu que les bonnes résolutions ne peuvent se tenir qu’à plusieurs ;)

Vertical d’Alain Grousset

VerticalRoman de science fiction
pour adolescents
dès 10 ans

Vertical

d’Alain Grousset

Flammarion jeunesse, 2013
9782081295421, 6,10€

           Dans un univers un brin science-fiction, une industrie pharmaceutique, Loocat, découvre un lichen aux propriétés fabuleuses. Le patron Riforty Bonington, un homme sans morale, engage alors trois personnes pour monter à l’assaut de la falaise, rencontrer le peuple qui y vit et trouver où pousse ce lichen.

      Tekla, une jeune ethnologue venue d’une autre planète, mène cette expédition, avec Bart un botaniste et Rodolf un garde du corps. Une ascension difficile, avec de nombreux dangers. De l’escalade, un temps pas toujours facile, une falaise qui n’en finit pas. Et d’un coup, au coeur de la tempête, une main tendue. Un homme aux cheveux très longs, tressés, et qui grimpe sans matériel sur cette falaise à pic. Lix va alors conduire nos trois héros vers son peuple, dans leur grotte. Le peuple de la Falaise, un peuple étrange, qui vit à la verticale, et dont les cheveux servent de corde.

        Tekla et Lix vont apprendre à se connaitre, faire découvrir à l’autre leur monde, mais la recherche du lichen reste toujours comme une ombre… une ombre sombre et dangeureuse!

         Une aventure très sympathique qui oscille découverte d’un peuple, amour et action, avec des scènes vraiment magnifiques. Autant de scènes de danger terriffiantes que de paysages qui font rêver. Un roman condensé, un seul tome ce qui est si rare, mais qui a tout d’une grande saga tant on s’attache aux personnages. Lix, ce sauvage si agile et Tekla, l’ethnologue escaladeuse sont deux héros tourmentés. Un déroulement assez classique de l’intrigue, prévisible mais qui ne manque pas d’imagination pourtant avec ce peuple à la verticale notamment.

       Un roman de science fiction, d’action, d’amour, mais aussi en filigranne une belle leçon de vie et une vision critique de notre société.

A lire si : vous avez aimé Avatar !

+ L’avis de Christian Grenier

+ Challenge YA#3

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La lettre à Helga – Bergsveinn Birgisson {RL2013}

Roman épistolaire adulte
Rentrée littéraire 2013 – roman étranger

La Lettre à Helga

de Bergsveinn Birgisson

Traduit par Catherine Eyjolfsson

Zulma, 2013
Collection Littérature Étrangère,131 pages
9782843046469 – 16 € 50

Bjarni Gíslason de Kolkustadir a 90 ans quand il ose enfin prendre la plume pour écrire une lettre à son éternel amour Helga. Une lettre passionnée et nostalgique qui revient sur leur histoire. Une histoire qui prend place dans la nature sauvage du nord-ouest de l’Islande.

Bjarni est un fermier passionné qui s’occupe de ses bêtes et de celle de la communauté avec amour. Tâter les brebis et trouver les meilleurs béliers reproducteurs, soigner, aider, cultiver. Il est un homme droit et qui prend soin de ceux qui l’entoure. De ses bêtes bien sûr et de sa femme Unnur, qui ne peut pas avoir d’enfant et n’accepte plus le contact. Pas d’amour entre eux, mais une affection tout juste mutuelle. Et à coté vit Helga, la belle Helga au sein lourd, malmenée par son mari.

Pendant une année que Bjarni nous raconte doucement, ils se sont aimés, tendrement et passionnément. Pas de faux semblants dans l’écriture de Bergsveinn Birgisson et l’amour, tant celui de la terre que de la femme, est bestial, charnel. Bjarni aime tout en entier comme il aime ses bêtes et sa terre. Il nous parle de sa femme, de cet amour pour Helga, mais il nous parle surtout de l’Islande, de son climat difficile et des gens qui y vivent. Il nous parle de l’Amour, celui des autres couples, celui qu’il aurait aimé avoir un peu plus.

Bjarni est un personnage attachant par sa sincérité et sa nostalgie. On sent combien il a aimé Helga, comme cette situation l’a fait souffrir. Un homme droit qui n’a pas failli à son devoir, qui n’a pas pu non plus laisser sa terre, la terre.

Un roman épistolaire sans échange, une seule grande lettre pour nous faire découvrir l’Islande et Helga, les deux amours de Bjarni. Une ode à l’amour et à la vie réellement touchante mais qui manque parfois d’un peu de retenu pour être réellement émouvante. L’écriture se veut masculine et l’est finalement peut être un peu trop, ce qui n’enlève rien à la beauté désolée des terres d’Islande balayée par le vent glacé !

+ Livre lu dans le cadre des Matchs de la rentrée, Priceminister > 15/20

+ les avis de Jérôme , Marilyne, Aproposdelivres,